Femmes pour le dire, Femmes pour agir a rédigé une lettre ouverte au Président de la République. Elle a été signée par de nombreuses associations du collectif Abolition 2012 pour l'adoption d'une loi d'abolition du système prostitueur. En disant fermement non à la dépénalisation du proxénétisme dans le cas des personnes en situation de handicap, c'est une lettre pour le respect de la liberté et de la dignité de celles-ci.
Femmes pour le dire, Femmes pour agir
LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE
Paris, le 27 février 2013
Monsieur le Président,
La société prend conscience de la sexualité et de la vie affective des personnes handicapées et nous nous en réjouissons. Mais la vie sexuelle et affective des personnes handicapées doit se vivre dans la dignité. Les personnes handicapées veulent exercer leur liberté de choix de partenaire. Elles désirent développer leurs propres relations amoureuses dans un environnement les favorisant et respectueux de leur dignité.
Certaines associations de personnes handicapées réclament le recours à l’ « assistance sexuelle » en argumentant de la difficulté pour certaines personnes handicapées, de pouvoir satisfaire leurs « besoins sexuels ».
Leur raisonnement repose sur l’affirmation que la sexualité est un « droit humain fondamental ». Or la sexualité ne relève pas du domaine du « droit ». La sexualité relève de la vie intime et ne peut être soumise à un contrat. Parler de droit fait référence non plus au désir mais à une obligation, qui implique un «devoir sexuel» pour celles et ceux qui seront chargés de l’assurer. Sur ce sujet le rapport Bousquet- Geoffroy nous informe : « Sur un plan juridique, il ne saurait être reconnu de droit à une vie sexuelle. En effet, pour qu’il soit effectif, le titulaire d’un droit doit pouvoir le faire valoir par le biais d’une procédure auprès d’une personne qui est débiteur de ce droit. Ainsi, la reconnaissance d’un droit à une vie sexuelle impliquerait la création d’une procédure pour faire respecter ce droit et la désignation d’un débiteur de ce droit, qui serait certainement l’État ».
Cette demande, qui est essentiellement masculine, s’inscrit dans une conception de la sexualité où les corps des femmes sont mis à disposition pour répondre à de soi-disant « besoins sexuels masculins irrépressibles ». Que ce soit un aidant sexuel masculin ou féminin, le problème de la marchandisation du corps demeure. L’inclusion de « services sexuels » dans le champ du marché engendrera inévitablement l’exploitation de la précarité et de la pauvreté. Elle pose la question fondamentale de la prostitution comme réponse à de soi-disant « besoins » ou « droits ».
En aucun cas la prostitution, quel que soit son habillage, ne peut constituer une réponse. Cette demande ne peut justifier un «ajustement» des lois sur le proxénétisme, alors que la France a une position abolitionniste, et est engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et le trafic des êtres humains.
Par ailleurs, l’ « assistance sexuelle » serait une mauvaise solution qui entraînerait une plus grande exclusion et l’invisibilité des personnes handicapées Par la création d’un service spécifique à coloration compassionnelle, «ces pauvres handicapés» seraient encore plus marginalisés et ghettoïsés.
Nous nous élevons contre toute modification de la loi sur le proxénétisme, dont l’industrie du sexe avec ses dérives et ses trafics profiterait pour s’étendre sur un marché lucratif. Nous sommes opposé-e-s à toute légalisation de « services » payants d’assistance sexuelle, considérée d’ailleurs comme une forme de prostitution dans les pays où elle existe.
La réponse est dans le changement de regard de la société et l’ouverture d’un environnement accessible afin de permettre la multiplicité de rencontres; dans les institutions, nous demandons un environnement favorisant les relations consenties entre pensionnaires. Ainsi les personnes handicapées pourront gérer leur vie affective et sexuelle dans le respect de leur dignité et de celle de l’autre.
C’est à une réflexion de toute la société sur la sexualité et la vie affective que nous invite cette question : comment préparer les enfants et les jeunes à des relations sexuelles dans le respect de l’autre ? Comment les informer des différences ? Quelle est la place de la sexualité dans une société de consommation ? Comment assurer l’équilibre entre liberté individuelle et contraintes sociales ?
En conclusion, nous vous demandons deux choses, Monsieur le Président : d’une part le renforcement de la politique abolitionniste et de la lutte contre toute forme de proxénétisme, sans exception pour telle ou telle catégorie, d’autre part d’accélérer la mise en accessibilité des espaces sociaux de rencontres et de partages de vie... pour toutes et tous !
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre respectueuse considération.
Maudy Piot, présidente
FDFA (Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir)
Associations signataires :
Amicale du Nid : Geneviève DUCHÉ, présidente
Assemblée des Femmes, Danielle BOUSQUET, présidente
Association des femmes franco-africaines de Paris - AFAF, Françoise MORVAN
Centre National d’Information sur les Droits des Femmes et des Familles – CNIDFF,Annie GUILBERTEAU, Directrice Générale
Centre de recherches internationales et de formation sur l’inceste et la pédocriminalité, (CRIFIP), Sandrine APERS
Coordination française pour le lobby européen des femmes (CLEF – regroupant environ 70 associations françaises membres), Olga TROSTIANSKY, présidente
Collectif ruptures :Marie-Josée SALMON
Conseil National des femmes françaises (CNFF), Claudie Bougon-Guibert
ECVF élus contre les violences faites aux femmes : Geneviève COURAUD, Présidente
Les efFRONTé-e-s, Fatima-Ezzahra BEN-OMAR L’égalité, c'est pas sorcier, Henriette ZOUGHEBI
Encore Féministes, Florence MONTREYNAUD Femmes libres, Nelly TRUMEL
Fédération nationale solidarités femmes, Françoise BRIÉ
Femmes pour le dire, femmes pour agir, Claire DESAINT, secrétaire générale adjointe
Femmes solidaires, Sabine SALMON, Présidente nationale
Fondation Scelles, Philippe SCELLES Président d'honneur, Yves SCELLES, vice-président
Le CRI Bordeaux, Raymonde PLEDRAN
Le Monde à travers un regard, Sandrine APERS
Ligue du Droit international des Femmes, (LDIF), Annie SUGIER, présidente
Marche mondiale des Femmes France: Nelly MARTIN
Mémoire Traumatique et Victimologie, Dre Muriel SALMONA, présidente
Mouvement du Nid: Grégoire THERY
Mouvement.Jeunes.Femmes, Marie-Cécile MOULLIN, Présidente :
Osez le féminisme, Magali de HAAS
Rajfire, Dora CANTOS
Regards de Femmes : Robert PIGEON, Michèle VIANES, Présidente
Réseau féministe ruptures: Bernard BOSC, Monique DENTAL, Animatrice du réseau
Résistances de Femmes: Sandrine GOLDSCHMIDT Présidente
Zéromacho
Zonta Clubs de France : Nicole HERB
Personnalités signataires
Fédération nationale GAMS, Isabelle GILLETTE-FAYE, Directrice Générale
Françoise HERITIER, anthropologue, professeure honoraire au Collège de France
Malka MARCOVICH, CATW International (Coalition Against Trafficking in Women)
Ernestine RONAI, militante féministe
Anne Marie VIOSSAT, Militante féministe, Animatrice au Planning 94
Femmes pour le dire, Femmes pour agir
FDFA (Femmes pour le Dire, Femmes pour Agir)
Association régie par la loi du 1er juillet 1901 Siège social : 16, rue Emile Duclaux – 75015 PARIS Tél.: 06 18 20 34 66 courriel : maudypiot@free.fr http://www.femmespourledire.asso.fr/ SIRET 450 195 615 00015 – APE 853C
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