IFF Simone – Militante du mouvement Jeunes Femmes, présidente du Planning familial, membre du cabinet de la ministre aux Droits des femmes Yvette Roudy (Vabre [Tarn] 4.9.1924, Paris 29.12.2014).
Simone est une des cinq filles du pasteur Frantz Balfet et de Marthe Capelle. Marthe, élève littéraire de l’École normale supérieure de Sèvres, a enseigné les lettres pendant la guerre. Une fois mariée, elle arrête son travail et donne le jour à Jacqueline, Suzy, Hélène, Simone, Françoise. Frantz est pasteur successivement à Vabre (Tarn), à Montauban (Tarn-et-Garonne) de 1928 à 1936, puis à Sète (Hérault) de 1936 à 1943. A partir de 1943, il est nommé au Vésinet (Seine-et-Oise) et il prend sa retraite à Douvaine (Haute-Savoie).
Simone passe par toutes les activités dévolues aux filles de pasteur, de l’école du dimanche à la sensibilisation aux missions, enfin elle est éclaireuse. Elle fait partie de la Fédé en 1939-1940. Sa famille reçoit Jeanne Lebrun et Madeleine Barot à Sète pendant la guerre. C’est là qu’elle se lie d’amitié avec Agnès (Arlette) Varda et ses frères et soeurs, qui habitent à Sète depuis 1939 sur le yacht de leur père, industriel belge protestant.
Ses parents apportent leur soutien et de la nourriture aux prisonniers du camp de Gurs (Pyrénées atlantiques). La vie familiale s’écoule paisiblement. L’éducation prodiguée aux cinq filles n’est ni rigide ni sévère. Elles sont toutes de bonnes élèves. Les sœurs de Simone embrassent des carrières variées : Jacqueline, célibataire, titulaire du diplôme d’Etat d’assistante sociale à Montpellier, y exerce comme assistante sociale ; Suzy, professeure de mathématiques, épouse M. Paul Dillmann, directeur de l’hôpital de Mulhouse (Haut-Rhin) ; Hélène, célibataire, ethnologue et collaboratrice de l’ethnologue André Leroy-Gourand (1911-1986), est auteure de nombreux ouvrages ; Françoise, mariée, est enseignante dans l’enseignement technique, elle a deux enfants.
Pendant la guerre, Simone participe à la Résistance et obtient la première partie du baccalauréat. A 19 ans, en 1943, Simone, enceinte, se marie avec Werner Iff à Montpellier. Son père préfère quitter son poste à Sète, où la pasteure Elisabeth Schmidt (1908-1986) le remplace. Werner s’engage dans le maquis aux côtés des Francs tireurs partisans (FTP). Officier, il est blessé sur le front et réformé.
Simone et Werner ont cinq enfants, Marianne, Patrick, Katherine, Didier et Isabelle. Simone, suite à des grossesses non désirées, a recours à l’avortement. De 1948 à 1950, la famille habite au Vésinet, où Werner est inspecteur départemental d’assurance. Simone et Werner participent à des réunions du mouvement protestant appelé le Réarmement moral.
De 1951 à 1963, Werner dirige à Paris le Foyer protestant Etienne Matter-Elie Robin dans le XIXe arrondissement, à Belleville. Simone, collaboratrice de Werner, reçoit la rémunération de son travail inclus dans le salaire de ce dernier. Il s’agit jusqu’en 1955 d’un foyer de détenus en liberté conditionnelle. Puis, à partir de 1955, d’un foyer de semi-liberté pour garçons délinquants (une trentaine). Werner et Simone et leurs enfants partagent leur quotidien avec leurs pensionnaires. A partir de 1963, le foyer n’a plus les normes techniques pour recevoir des adolescents entre 18 et 21 ans, il ferme. Werner reprend des études universitaires de psychologie.
A Paris, Simone et Werner découvrent un univers culturel bouillonnant : le théâtre populaire de Jean Vilar et les mouvements d’éducation populaire. Quant à Simone, elle rejoint le mouvement Jeunes Femmes (MJF) du XIXe arrondissement. Elle y restera jusqu’en 1972. Elle participe à l’animation régionale, d’abord avec Evelyne Carrez, épouse du pasteur Maurice Carrez en poste rue Tournefort (Paris, Ve), puis avec Suzon Faure, épouse de pasteur. La formation à Jeunes Femmes lui fait développer une complicité entre femmes. Elle y apprend à s’exprimer oralement dans un groupe de parole féminin et de réflexion. Elle reçoit une écoute respectueuse de la part des personnes présentes. Simone fait le constat de la différence entre protestants et catholiques sur le sens de la sexualité : pour les protestants, la sexualité est l’expression de l’amour dans un couple, mais pour les catholiques, la sexualité n’a pour fin que la procréation. L’association La Maternité heureuse est fondée et présidée par le Dr Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé en 1955 (statuts déposés le 8 mars 1956) et domiciliée chez elle, 77, avenue Paul Doumer, Paris XVIe. Suzette Duflo, de son côté, vient occasionnellement aux réunions de cette association. Le premier conseil d’administration compte vingt-trois femmes : la secrétaire générale Evelyne Sullerot et des militantes du mouvement Jeunes Femmes : Odile Delteil, Madeleine Tric et une de ses amies proches, Marie-Louise Monod. L’association a pour but de diffuser des informations sur la contraception.
Dans les années 1963-1964, des réunions d’une dizaine de « Jeunes Femmes » se tiennent chez Madeleine Tric où sont contestées les théories de Freud sur la sexualité féminine. Des femmes, pour la première fois peut-être, parlent collectivement de leur sexualité. Malheureusement, aucune trace écrite n’en a été gardée.
Werner publie « Introduction à l’étude de la sexualité infantile et féminine, d’après Freud » dans le bulletin Jeunes Femmes n° 107 (septembre-octobre 1968). Quant à Simone, avec les membres de la commission « Sexualité », elle apporte trois contributions au bulletin de 1969 à 1971 : dans le n° 114, avec Thérèse Quéval et Jeanine Vergniol, « Quelle société voulons-nous construire ? » ; dans le n° 115, avec Jeanine Vergniol « La famille en changement » ; enfin, dans le n° 122, « Pourquoi des mouvements féminins aujourd’hui ? » Dans l’article « La famille en changement », les auteures essaient de répondre aux questions : que peut donc être la famille pour le couple, pour l’enfant, dans cette société en évolution ? Comment peut-elle exister, en respectant la liberté de ses membres, en les préparant à la rencontre des autres ? En conclusion : « La société […] commence à admettre l’évolution individuelle mais s’obstine à vouloir maintenir une structure familiale traditionnelle et anachronique. Aurons-nous assez d’imagination et d’amour pour imaginer des situations nouvelles qui combleraient les besoins relationnels et affectifs des êtres sans les opprimer ? »
En 1960, issu de la Maternité heureuse naît le Mouvement français du planning familial (MFPF).
Simone participe à la première formation de conseillères du Planning familial avec ses amies « Jeunes Femmes » qui habitent près de chez elle et qu’elle emmène en voiture : Germaine Gosselin (son mari, pasteur, s’est occupé de mettre en place les émissions de télévision protestantes), Noëlle Friedel, Liliane Vermeille, appelées familièrement l’ « écurie Tric ». Simone est une des premières hôtesses de la permanence du Planning familial rue des Colonnes, à Paris. Etre hôtesse d'accueil la passionne : elle s’investit beaucoup dans cette activité.
En 1965, Simone, militante de Jeunes Femmes, est envoyée en tant qu’hôtesse du Planning par le pasteur André Dumas, professeur de théologie à la faculté du boulevard Arago, pour représenter les mouvements protestants à la semaine de la pensée marxiste organisée par le Parti communiste (PC) et intervenir sur la régulation des naissances. Simone, très impressionnée, se trouve au milieu d’une grande manifestation de 4000 personnes, où sont majoritaires les femmes de l’Union des femmes françaises, dans le palais de la Mutualité. Elle doit faire preuve de courage pour prendre la parole et contredire Jeannette Vermeersch qui combat le contrôle des naissances, position très rigide du PC.
Le Dr Lagroua Weill-Hallé donne sa démission et quitte le mouvement en 1967. Le Planning, déclaré « mouvement d'éducation permanente et populaire », en reçoit l’agrément. Simone commence à travailler avec les Centres d'entraînement aux méthodes d'éducation active (Ceméa).
Dans les années 1968, Werner faisant de la formation pour les cadres supérieurs dans l’industrie, travaille toute la semaine en province et ne revient que le week-end, ce qui laisse beaucoup de temps à Simone pour militer, d’autant plus que ses enfants sont grands et dispersés. Simone participe aux événements de Mai 68 avec bonheur. Elle découvre la féministe américaine Betty Friedan, Wilhelm Reich (1897-1957), neuropsychiatre proche de Freud, le philosophe Herbert Marcuse, le psychanalyste Géza Roheim. Elle reprend des études à l’université de Vincennes pour étudier la sociologie et la psychanalyse. Elle y rencontre la philosophe Luce Irigaray et sympathise avec elle.
Simone intervient, invitée par les groupes Jeunes Femmes, pour informer sur les actions du Planning dans toute la France. Elle se rend très souvent à Lille, à la demande du Dr Claude Jeanot et de Rolande Dupont.
Après 1969, mandatée par le Planning, Simone participe au groupe Information éducation sexuelle (IES), groupe de réflexion (Fédération de l'Éducation nationale (FEN), MGEN, Fédération Cornec, Ligue de l'Enseignement) pour prévoir un programme d’éducation sexuelle en milieu scolaire. Elle touche ainsi des lycéens, des médecins. Grâce à des comités d'entreprise pourtant tenus par la CGT, opposée au contrôle des naissances, elle est appelée à faire des débats sur la contraception avec des employées. Simone, avec Catherine Valabrègue (journaliste et écrivaine, première secrétaire générale de La Maternité heureuse) et Cécile Goldet, se rendent en Afrique afin de voir comment rompre avec la vision malthusienne prônée par des membres des Plannings sur la scène internationale. A son retour, elle apprend qu’elle a été nommée secrétaire générale de la région parisienne (1970-1973). Puis Simone devient présidente du MFPF (1973-1979).
Dès 1971, Simone participe aux commissions de travail sur l’élaboration des textes d’application des lois sur la contraception, puis sur l’interruption volontaire de grossesse.
Quand Simone Veil est ministre de la Santé, Simone Iff la rencontre souvent et lui communique les rapports et enquêtes faits dans le cadre du Planning. Malgré la divergence de leurs points de vue – pour Simone Veil, la question de l’avortement est une question privée, tandis que pour Simone Iff, c’est une question sociale, collective, qui devrait être inscrite comme un droit –, elles collaborent très bien.
De 1974 à 1981, Simone représente la MFPF au Conseil supérieur de l’information sexuelle, de la régulation des naissances et de l’éducation familiale. En 1975, en collaboration avec Marcel Besse et Werner Iff, Simone publie chez Calmann-Lévy Demain, la société sexualisée : le combat du Mouvement français du planning familial. Elle est co-fondatrice avec la syndicaliste Jeannette Laot du Mouvement pour la liberté de la contraception et de l’avortement (MLAC). De 1975 à 1981, elle anime un collectif de défense des femmes prostituées. C’est une des organisatrices de la marche du 6 octobre 1979 pour la liberté de l’avortement et de la contraception.
Simone devient membre du cabinet d’Yvette Roudy, ministre aux Droits des femmes (1981-1983) qu’elle connaît depuis longtemps, en tant que conseillère technique en 1983 sur les questions de santé, sexualité, viol, violences et prostitution. Depuis 1984, Simone est membre du Conseil économique et social (CES) (section affaires sociales) et a participé à l’animation depuis 1986 du Collectif féministe contre le viol.
Simone obtient difficilement l’autorisation de la chancellerie pour faire une étude juridique sur le devenir des plaintes pour viols. Cette étude est publiée en 2000, en collaboration avec le Dr Marie-Claude Brachet, sous le titre Viols & agressions sexuelles, le devenir des plaintes.
Comme sa cousine Madeleine Tric, Simone est sollicitée par des chercheuses pour apporter son témoignage sur le Planning familial. Elle reste en contact avec des amies « Jeunes Femmes » comme Geneviève Poujol.
Simone reçoit la Légion d’honneur en 1986.
Entretiens d’Evelyne Diebolt avec Simone Iff 2007-2009. Simone Iff, Demain, la société sexualisée. Le combat du Mouvement français pour le planning familial, Paris, Calmann-Lévy, 1975. Contraception, avortement : le droit des femmes, éditions Tierce, 1979. D’une révolte à la lutte, 25 ans de Planning familial, éditions Tierce, 1982. Geneviève Poujol, Un Féminisme sous tutelle. Les protestantes (1830-1960), Paris, Les Éditions de Paris, 2003, p. 221. Matériaux pour l’histoire du mouvement Jeunes Femmes 1950-2010, Paris, Publication MJF et Michel Houdiard éditions, 2010, 451 p.Notice pages 365 à370
Evelyne Diebolt
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